Monday, September 17, 2018

The Candle

Et donc, l'amie Emma et l'ami Thomas se sont pacsés avec brio, et ça a été fêté dignement, parce que nous sommes tous des gens dignes, c'est bien. Et j'y ai slammé un petit quelque chose, trois fois rien, un texte que j'avais perdu et jamais mis au propre, mais que voici publié en date du 22 mars 2017 (date de rédaction, c'était donc l'an passé) et traduit en anglais parce que la fête, c'était bilingue.

The Candle

It starts in the east. This morning, the sun feels feverish, hesitant, he starts the day a little off balance, behind him a trail of firebrands and thin bursts of fire trace his wake

Like a candle in a lukewarm breath, he hesitates until noon, in the firmament he seems for a moment to slip… Uneasiness, poor earthlings who, lifting their noses to the sky, tremble to see their star in so much pain.


Take a selfie, put a video on youtube, no one is left behind, the servers are spinning, the phones are heating ; or worry, the president of the United States announces a curfew, the children cry and their mothers rush inside.
 

Humanity spends all day in the same anguish as every other animal, but what's going on, what's going on ? The sun coughs, the Queen of England packs her things, there is not much time left until the end.
 

The dying star appears extinguished but no, its flame picks up bright as ever, phew ! Relief, the day is coming to an end, all’s well that ends well, things are back to normal, but the Queen of England turns off the light on her way out.
 

All is well, the fear is coming to an end, the president of the united states announces that he knew all along, him, that it was « fake news », the Prince is now a hero, hurricanes ravage the coasts, the sea level keeps rising, but the fear is forgotten, all is well.
 

He is in the west now. I drink pastis on the terrace, contemplating the passage of the star behind the mountains… Pow ! like a soap bubble, a swarm of orange stars briefly ignites the sky.
 

Then, a horrified clamour.
 

Then, night.


Wednesday, March 22, 2017

La chandelle

Et donc, l'amie Emma et l'ami Thomas se sont pacsés avec brio, et ça a été fêté dignement, parce que nous sommes tous des gens dignes, c'est bien. Et j'y ai slammé un petit quelque chose, trois fois rien, un texte que j'avais perdu et jamais mis au propre, mais que voici publié en date du 22 mars 2017 (date de rédaction, c'était donc l'an passé) et traduit en anglais parce que la fête, c'était bilingue. 

La chandelle

Ça commence à l’est. Ce matin, le soleil se sent fiévreux, hésitant, il commence la journée un peu de côté, derrière lui comme une traînée, des tisons et de fins éclats de feu tracent son sillage
Comme une chandelle dans un souffle tiède, il hésite jusqu’à midi, au firmament il semble un instant se décrocher… inquiétude, pauvres terriens qui le nez en l’air tremblent à voir leur astre si souffrant.
Qui un selfie, qui une vidéo sur youtube, personne n’est en reste, les serveurs chauffent, les téléphones crépitent, ou s’inquiètent, le président des états unis annonce le couvre-feu, les enfants pleurent et les mamans se précipitent à l’intérieur
Toute la journée l’humain la passe dans la même angoisse que tous les autres animaux, mais que se passe-t-il, que se passe-t-il ? Le soleil tousse, la reine d’Angleterre range ses affaires, il n’y a plus beaucoup de temps avant la fin.
L’astre mourant fait mine de s’éteindre mais non, sa flamme reprend plus vive, ouf ! soulagement, la journée touche à sa fin tout est bien qui finit bien, les choses rentrent dans l’ordre, mais la reine d’Angleterre éteint la lumière en sortant
Tout va bien, la peur touche à sa fin, le président des états unis annonce qu’il le savait bien, lui, que tout ça n’était que “fake news”, le Prince est maintenant un héros, les ouragans ravagent les côtes, le niveau des océans continue à monter, mais la peur est oubliée, tout va bien.
Il est à l’ouest maintenant. Sur la terrasse je bois un pastis, en contemplant le passage de l’étoile derrière les montagnes… Pouf ! comme une bulle de savon, un essaim d’étoiles orangées embrase brièvement le ciel.
Puis, une clameur horrifiée retentit.
Puis, la nuit.

Wednesday, September 21, 2016

J'ai pas peur

[ instructions de voix entre crochets ]

[ voix d'enfant, tremblotante ]

J'ai pas peur

M'man, j'ai pas peur

J'ai pas peur du monstre sous le lit
J'ai pas peur des hommes en noirs qui portent les méchantes boites

M'man j'ai pas peur

J'ai pas peur du loup dans le noir
J'ai pas peur des monstres méchants qui mordent les petits enfants

M'man j'ai pas peur

J'ai pas peur du vide du vide du vide
J'ai pas peur j'ai pas peur j'ai pas peur

J'ai pas peur

[voix évoluant graduellement vers adulte]

M'man j'ai pas peur

J'ai pas peur des yeux tous seuls qui me regardent
J'ai pas peur des langues qui pendent, de la bave qui coule

M'man j'ai pas peur

J'ai pas peur d'être perdu
J'ai pas peur de pas retrouver la porte dans le noir

M'man j'ai pas peur

[ voix normale ]

Un cri

Un bruit, le chlap chlap de babines qui claquent
Des crocs qui déchirent
De la gorge qui englouti
Une respiration lourde, un rot satisfait
Quelque chose de lourd rampe sur le sol
Renverse quelque objets...

La mère ouvre la porte, inquiète

La lumière se fait, éclairant d'un jour électrique les lieux d'un crime
Le lit est défait.

Vide.

Wednesday, August 10, 2016

Ceux qui partent, ceux qui restent

Le temps passe, c’est une fatalité, et à la fin tout le monde s’en va,

C’est normal,

C’est comme ça.

Mais il y a aussi ceux qui s’en vont avant la fin de la ligne, ceux qui partent.

Il y a,
Ceux qui partent petit à petit, qui s’évaporent, sèchent au soleil d’une vie bientôt trop courte. On les voit qui s’étiolent, qui fanent comme des fleurs assoiffées. Et puis un jour ils disparaissent.

Il y a,
Ceux qui partent, maudits par des choses lentes, les membres pris dans un goudron douloureux qui les paralyse, qui emprisonne leur esprit dans une cosse de bitume, ceux là partent d’un coup, d’un geste solitaire, d’un seul.

Il y a,
Ceux qui partent et qui prennent la route emportés par l’ivresse et le désir de déjà être ailleurs, ceux là ne parviennent jamais à destination, ou plutôt ils quittent la route et arrivent ailleurs. Ils arrivent toujours ailleurs, toujours plus vite, ils sont partis, c’est fini.

Il y a,
Ceux qui partent, qui depuis toujours se sentent d’ailleurs, se sentent autrement et jamais ne trouvent le moindre intérêt à leur quotidien. Ils se cherchent. Partent sur les routes. Rejoignent des fous. Cherchent un sens à leur vie dans une auto-immolation et… et quoi ? Quel sens à tout ça ?



Et ceux qui restent ?

Ceux qui luttent, qui préfèrent égoïstement attendre de voir comment les choses se passeront ?
Ceux qui succombent à chaque instant à la curiosité ?
Qui croquent à pleines dents tous les voyages immobiles, les instants ici, là, là, et encore ici.

Eux, ils restent.



Moi, je reste.






Tuesday, April 19, 2016

On se rappelle des trucs

Je devrais poster plus souvent.

D'une part parce que je continue d'écrire et de slamer dans mon coin, d'autre part parce que je ...

...

Je ?


Wednesday, January 27, 2016

Du coin de l’œil


Vous savez, l’œil, cet organe incroyable à travers lequel nous pouvons contempler la nature, les affiches des prochaines élections communales, la couleur des tomates. L’œil donc a cependant un défaut, il a des coins dans lesquels se cachent des erreurs de perception (ou du sable). Quelques exemples. Tous complètement authentiques. Je le jure.

Du coin de l’œil, je vois…

Il y a un gros chien, qui s’est arrêté près de moi, au feu du passage piéton. Je ne l’ai pas regardé, ce n’est qu’un clébard que je perçois dans la pénombre, les yeux plein des pixels de ma boite mail, les smartphones c’est trop la classe.

Le feu passe au vert, je tourne la tête pour observer la mise en mouvement du canidé et de son propriétaire… Mais en fait de chien point il n’y a, juste le jeu des ombres à travers le feuillage, animé par l’éclairage froid des réverbères et par le vent qui souffle… Je me sens un peu con pour le coup.

Autre exemple, du coin de l’œil, je vois…

Nous sommes dans la rue, je lui parle en louvoyant entre les piétons qui circulent en sens inverse, j’essaie d’expliquer quelque chose, je ne sais plus quoi mais je crois me souvenir que c’est important. A un moment je me retourne pour demander confirmation. Je suis seul. Je parle seul dans la rue depuis quelques minutes.

Mais heureusement, grâce aux smartphones, tout le monde parle seul dans sa bulle, personne ne remarque ma gêne, c’est désormais normal d’avoir des conversations avec des gens qu’on ne voit pas.

L’œil, toujours l’œil, c’est lui le témoin…

Un fer à repasser, presque neuf. Je tends la main pour saisir la poignée de plastique blanc de l’appareil, tandis que je me concentre sur le lissage des plis de la chemise. Mais. Là où il y avait parfois un chien imaginaire, se trouve un objet bien concret, et pas du tout à l’emplacement imaginé…

Bousculé, le fer à repasser explose sur le sol.

Paf.

Chevalier et monde inexistant v2.0

Je sais que c'est un texte que j'ai déjà dit plusieurs fois, mais il semble qu'une lourde hérédité me pousse à me répèter. Et puis je suis encore un peu jeune pour radoter, je vais en profiter pour m'entrainer.
Vous vous souvenez peut-être de ce chevalier inexistant, clairement inexistant en référence à un certain Italo Calvino ? Et bien il est toujours là, il promène son spleen, sur les voies pavées d’un monde qui n’existe pas. Ce chevalier, comme toujours, déprime, tout seul dans son armure rouillée et cabossée. En effet, son monde est un conte, un bobard même, et pas très fabuleux un mensonge trouvé sur internet. C’est un chevalier, qui balade des ambitions déçues comme on promène un vieux chien fidèle tremblant et efflanqué, avec ménagement et pitié, et toujours à l’esprit qu’il faudra bientôt l’achever, pauvre bête mourante. C’est un chevalier… Enfin c’est peut-être un chevalier, puisqu’il se promène dans un monde vide et désert, qu’il l’aurait ainsi baptisé ? On est nous-même et aussi le regard des autres, je suis qui je suis aussi parce que je vous parle.
En fait non, ce n’est pas un chevalier, c’est un moulin à vent. Un moulin à vent qui se prend pour un chevalier. Il est là, au milieu d’une plaine aride, où souffle un vent sec et chaud, et où personne ne passe jamais, ou plus jamais. Fier de son heaume de tuiles rouges, ses grandes ailes tournent dans les airs, il brasse de l’air, lui le géant solitaire il rêve d’être un chevalier pour combattre de féroces vagabonds.
Mais, mais il ne peut pas rêver non ? C’est un moulin à vent, et les moulins à vent, c’est des bâtiments, ça ne rêve pas un bâtiment, c’est du mortier, de la pierre quelques poutres d’un bois solide non ? Ça ne rêve pas…
En fait non, ce n’est pas un moulin à vent, c’est le mistral ou un vent qui y ressemble. Un souffle d’air, un rêve solitaire, sur un monde qui n’existe pas une idée qui se promène dans les airs, sous un soleil ma foi carrément impitoyable, un peu comme si on pouvait le voir et l’observer. C’est le vent. On ne peut pas le voir alors il imagine être visible, courir les plaines désertes et les couvrir de son ombre, lui le vent soudainement devenu smog noir et étouffant, sous le soleil impitoyable.
Le décor s'efface sous la suie... Le monde qui n’existait pas n’existe plus, je viens de l’étouffer sous un linceul de fumée anthracite...
En fait non, ce n’est pas le vent, mais des mots que j’ai écrits, d’abord à la plume puis à l’aide d’un traitement de texte, et parce que je suis fier de ces mots je les travaille à nouveau, et je les répète à nouveau à un public que j’espère amuser à nouveau quelques peu... Je voulais une tragédie, peut-être que vous vous en souvenez ? Je voulais entendre parler de mort, de cette mort qui arrive à tout le monde, à force, et de ceux qui restent. Quelque chose de fort, des mots qui auraient dit « On n’enterre pas des idéaux de la même manière qu’on le ferait avec un vieux canasson fatigué, exhalant son dernier souffle au terme d’une vie de labeur et patati, et patata. »
Alors… Alors j’ai empoigné la plume et les mots m’ont échappé.



Saturday, December 12, 2015

Hermès et le petit garçon

Quand j'étais tout gamin, chez mes grand-parents, il y avait dans les sous-sols de leur maison -- un de ces vieux immeubles d'avant-guerre avec des balcons et des tourelles – non pas un dragon ou une distillerie clandestine, mais l'imprimerie familiale.
J'adorais m'échapper pour y descendre, les yeux grands ouverts, regarder travailler les ouvriers de mon grand-père, admirer l'activité des presses à platine...
Des machines noires, qui sentaient l’encre et l’huile de machine, qui forgeaient page après page les livres que mon grand-père éditait… Fascinant, mais on me le répétait sans cesse, dangereux aussi, et je ne devais en aucun cas me promener dans les allées de l’imprimerie.
Dans un coin, il y avait d’ailleurs la créature la plus dangereuse, une linotype, un paon de métal qui crachait du plomb fondu et mangeait les doigts de ses gardiens comme de mon grand-père.
Mais on ne me laissait pas approcher de cette créature, bien trop féroce elle était !
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Quand j’étais tout gamin, chez mes grand-parents il y avait aussi une vieille machine à écrire. Une Hermès. Je ne sais quel modèle, l’engin s’est perdu au fil des déménagements.
Je visualise encore très bien la machine. Noire, des touches rondes, un mécanisme articulant chaque lettre du doigt au marteau, du marteau au papier, du mot au papier.
Son métal vernis de noir luisait à la lumière de la lampe de bureau -- modèle classique de héron de métal et de ressorts – et lorsqu'il faisait nuit, sa carcasse reflétait les lumières des trains qui passaient devant la fenêtre.
Cette machine là, j'y avais accès. Dans ma tête, c'était un peu pareil, c'était une machine avec un clavier, comme une linotype... J'allais faire un livre ! Et mon grand-papa serait fier !
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Et donc, debout sur le fauteuil à roulettes j’étais parvenu à introduire une feuille dans la machine. Agenouillé sur le bord du bureau je remis le chariot en position, ding !
Puis, prudemment, les yeux brillants, je redescendis de mon perchoir, laissant les hauteurs de la table sous la surveillance du héron de métal et de ressorts.
Comme des petites pattes, les marteaux attendaient un geste, une pression vigoureuse sur leurs touches.
Un index bien trop petit vint appuyer timidement sur une touche, un marteau suivit le mouvement.
Mais pour imprimer une lettre sur le papier, il faut tout de même y mettre de l'énergie.
Tac. Rien.
Tac ! Le marteau frappa délicatement le ruban, laissant sur la page l'ombre d'une lettre (un 'z')
TAC ! La lettre s'imprima, nettement. Ok. J'ai dû prendre un air déterminé, il allait falloir y mettre de la force. Déterminé !
TAC ! Un 'a'. TAC ! Un 'g'. TAC ! Un 'v'.
Le travail avançait bien. C'était chouette.
Entre les touches il y avait juste la place. Juste la place d'y coincer une petite main d'enfant, même s'il faut forcer un peu.
Et zip ! Le faux mouvement ! L'index rata la touche, passa dans l'interstice...
Ah. Surpris. Je tirai sur le doigt pour le retirer. Coincé. Incrédule. Tirai encore. Non, rien à faire, coincé. Pincé même, et ça commençait à faire mal.
Les larmes ont du me venir aux yeux à ce moment-là. Dans ma tête, j'allais perdre le doigt ! Comme mon grand-papa ! Ou alors la main ! Peut-être même le bras tout entier !
Un geignement se fait entendre, l'enfant essaie de sortir sa main du clavier, mais rien à faire, c'est coincé. Le gamin commence de pleurer, sa grand-mère alertée vient voir ce qui se passe, saisi la situation d'un seul regard. Efficace et pragmatique, attrape la main de l'enfant et avec fermeté extrait le doigt pincé dans le clavier. Puis souffle gentiment sur l’appendice menacé.
Pffffffffffh...
« Voilà. Ça ne fait plus mal n'est-ce pas ? »