Wednesday, August 27, 2014

Les cartons.

Deuxième session de slam, 27 août 2014. Le texte ci-après est la version non-révisée, et pour être franc ça ne tient pas en trois minutes :-)

Ça commence ici :

Ils envahissent le quotidien. Nul ne peut y échapper, leur présence est multiple et oppressante. Ils servent un peu à tout, de la protection des aliments les plus variés (pain, lait, fromages, légumes) au transport de livres, de chaussures, de pièces mécaniques pour réparer des avions, des camions, des bataillons de bicyclettes, et on peut même utiliser des cartons pour déménager des maisons complètes, de leur contenu aux murs, (quelques exemples de châteaux démontés et exportés existent pour confirmer ce point.)
Malgré tout, il reste encore quelques recoins où le carton n'a pas pignon sur rue, recoins sans lesquels l'ubiquité de ces parallélépipèdes rectangles en pulpe d'arbres morts déshydratée est loin d'être complète et absolue.
Ce que j'imagine...

Les cartons à soucis, une étude de cas.

... et s’il était possible de se défaire de ses soucis, en les mettant en boite ? En les bourrant dans de petits cartons hermétiques, pratiques et faciles à transporter ? Et si on pouvait mettre nos soucis en berlingots, qu'ensuite on recyclerait ou qu'on donnerait à ceux qui de soucis n'ont jamais assez ?
Le matin on se réveillerait comme ça, frais et dispo, et l'esprit cabriolant dans les prés de nos intellects revigorés par la nuit fantastiquement reposante qu'on aurait passée.
Fini alors les matins ronchons, où les songes de la nuit ne sont que prolongement des journées pleines d'emmerdeurs qui emmerdent le monde, de problèmes qui restent problématiques même en rêve, d'embrouilles qui brouillent un brouillard. Fini les songes gris et professionnels, vive le retour à la couleur et à la 3d, vive le retour à la normalité. Normalité des rêves...
Les petits cartons pour les petits soucis, ceux qu'on peut facilement partager ou garder pour plus tard. Et qui au fond ne demandent que d'avoir un estomac de fer.

Les grands cartons. Grands mais pas trop grands. Mettons, pour l'exemple, que ce soit des cartons d'un litre, très pratiques. Avec un étiquetage adéquat pour éviter qu'on les confonde avec des cartons de lait ou de jus d'orange. Ils sont bien pratiques. Juste de la bonne taille pour contenir des soucis conséquents mais pas trop gros non plus. En fait, certains experts préconisent de segmenter ses soucis de façon à occuper plusieurs cartons d'un litre. Le fameux « getting things done » du management moderne. Toujours réduire la taille des soucis quitte à en augmenter le nombre. Ceci dit, je ne suis pas catégorique mais il me semble que plus on a des soucis, plus ils font des petits. Ils se reproduisent comme des lapins. Comme des lemmings. Les petits soucis, ça prolifère, il faut y faire attention.
Parfois, on ne peut pas segmenter, le gros souci, le vrai représentant de la famille des catastrophes, n'entrera jamais dans des cartons d'un litre, et de plus les couteaux à dépecer les emmerdements ne sont simplement pas assez solides pour trancher dans le vif, et par exemple faire entrer dans une énorme quantité de cartons d'un litre des petits morceaux de tsunami ou de carambolage autoroutier. Dans ces cas là, il faut passer à la vitesse supérieure.

Les grands cartons, ceux-ci vraiment grands. Ceux qu'on emploie pour y déposer les soucis format mondial, les catastrophes, et les tsunamis de merde. Et quand on parle de grand cartons on ne plaisante pas mais il faut quand même relativiser un peu. Il faut se les imaginer comme ceci : à peu près de la taille d'une télévision, imprimé de couleurs vives aux slogans enthousiastes (slogans sur lesquels je reviendrai) et pelliculé d'un fin plastique à la texture soyeuse. Et dans un coin, tout en haut à droite, il y a une petite excroissance, un peu comme une oreille, avec un motif pointillé qui en fait le tour, et le symbole de la paire de ciseaux, identifiant ainsi le bec verseur duquel on pourra faire s'écouler l'effroyable nectar des soucis en quantité infinie. Bon, un souci annexe à l'existence des cartons de cette taille est qu'il est réellement très difficile de contrôler l'écoulement du contenu par le bec verseur, et que très souvent on finit par en mettre partout.

Une fois que les soucis sont sécurisés dans leurs conteneurs hermétiques, il est possible de les entreposer. Par exemple dans un congélateur, ou un carton à soucis de plus grande taille. Ce qui peut amener, en cas d'incendie ou d'avion s'écrasant sur l’entrepôt ou la chambre froide, à la création très malvenue de soucis d'ordre supérieurs. Hélas, la technologie du carton à soucis apporte son lot de problèmes, l'un d'entre eux étant la possibilité non anticipée d'avoir des fuites dans les réservoirs à soucis, provoquant la recombinaison de ceux ci en soucis plus complexes. La technologie a ainsi amené les problèmes de l'industrialisation en créant des méta-soucis, des super-soucis et des maxi-soucis. Une solution actuellement évaluée serait de trouver un moyen de recycler les stocks en matières premières, par exemple en combustibles pour les centrales énergétiques, ou en sources de polymères pour l'industrie textile. Qui ne rêve pas de se faire des chaussettes avec les problèmes de la journée ? Bientôt ce sera une réalité commerciale, certainement.

C'est d'ailleurs ce que disent les slogans et les exhortations colorées figurant sur les cartons de toute tailles,
« apportez vos soucis à la centrale ( une centrale un peu comme une de ces laiteries à l'ancienne si vous voyez ce que je veux dire) et vous recevrez en échange des chaussettes de ski neuves »,
« récoltez les soucis de votre famille et partez en voyage en Ukraine »,
« ne jetez pas vos soucis à l'égout, un litre d'angoisses fournissent l'énergie d'une télévision pour une semaine »,
« planifiez vos déclarations d'impôts pour un rendement maximal en matière de soucis »,
« un monde sans soucis est un monde sans sel »,
« si vous être trop heureux, pensez à la famine en Erythrée ! »,
« deux heures d'angoisses existentielle fournissent plus d'énergie qu'une sieste au soleil ! »
...
Hum.

Finalement, peut-être pas...