Thursday, June 11, 2015

La petite robe à fleur

C'est une petite robe à fleur.
Comme une petite robe noire, mais à fleurs.
Une petite robe à fleurs, qui se promène en ville, jolie, élégante, dans l'air du temps et adaptée à la saison qui s'annonce.
Une petite robe à fleurs, qui découvre le monde autour d'elle.
Si elle avait des yeux, ils seraient gourmands, grands ouverts à dévorer du regard tout ces beaux messieurs et toutes ces charmantes dames.
Et d'ailleurs, elle les suit.
Dans la rue, un après-midi de juin, elle les suit. Discrètement.
Elle les suit, toutes ces magnifiques personnes, et elle se raconte des histoires. Elle s'imagine des choses... coquines ?
Envieuse de ces femmes qu'elle trouve si élégantes, si vivantes – après tout, elle n'est qu'une petite robe à fleurs, et les plaisirs de la chair, elle ne peut que se les imaginer. Elle s'imagine couvrir de ses fleurs la douce peau de toutes ces beautés,
Et les beaux messieurs, avec leurs pattes d'oies et leurs tempes grisonnantes, elle les convoite, elle voudrait sentir leurs grosses mains bourrues caresser ses coutures, froisser son tissu. Comme ce serait bien de pouvoir toucher, de pouvoir caresser ces cheveux rares, cette barbe si douce, si fournie, si fleurie.
Mais elle n'a pas de mains. Elle n'a que de très courtes manches en guise de bras. Elle ne peut pas palper à pleine main, frôler du bout des doigts.
Elle ne peut pas frémir sous le plaisir, seulement sous la brise et les courants d'air.
Elle peut resplendir au soleil, de toutes ses couleurs. Alors elle se donne à fond, pour briller, pour chatoyer, pour que ses fleurs imprimées soient plus vraies que nature !
Une petite robe à fleurs, avec une vue bien adolescente du monde, qui rêve, qui idéalise, qui songe, qui convoite, qui rougit...
...
Le feu passe au vert.
La jeune femme à la robe à fleur traverse alors la route, d'un pas preste.
Ses cheveux courts brillent sous le soleil, elle suit les autres piétons, concentrée sur sa destination, inconsciente des pensées de son vêtement.