Wednesday, February 11, 2015

Le fil ténu de la pensée...

Une nouveauté. Un texte court qui laisse la part belle à l'improvisation, sur une base que j'ai essayé de développer mais que je n'arrivais pas à finaliser. L'idée est de lire le texte en le commentant et en laissant l'inspiration vagabonder, toujours dans le thème d'un fil ténu, difficile à suivre, celui de la pensée. Autre nouveauté, durant cette session les slameurs étaient accompagnés par un guitariste, qui sonorisait façon Dead Man (le film de Jarmush) les délires verbaux des slameurs, et ça a super bien donné.

Parfois, une idée traverse nos esprits comme un papillon.
Ou plutôt comme une mite.
L'idée volette, légère, attire l'attention :
voici prise dans le rai de lumière de l'attention la première pièce d'un puzzle,
le centre sans qui tout s'effondre,
le cœur,
la pierre de plein cintre.
Un papillon.
Un papillon qui devient la fondation sur lequel je construis cette pensée.
Un roc.
Un moellon papillonnant distraitement,
bousculant pensées et inspirations,
créant quelques jolies analogies
par collisions.

Bing,
bang,
la caillasse se cogne durement,
l'idée jaillit encore,
étincelles,
fragments enflammés,
puis blocs en fusion,
puis moellons de construction,
puis pyramide,
pyramide de papillons,
ruine de pyramide de papillons,
pyramide mitée,
puis sable...
puis poussière...
puis...

Aaaah


Je ne sais plus. J'ai perdu le fil.

Vous reprendrez bien un peu de poison ?

Premier texte de la session du 11 février, c'est un extrait d'un scénario que je suis en train de travailler pour le jeu de rôle Itras By. Durant le slam à proprement parler, j'ai égaré deux paragraphes à cause de ma maladresse, voici le texte intégral, sans relecture...

Le train s’arrête, dans un port encaissé au fond d'un fjord, un port industriel, avec ce qu'il faut d'entrepôts crasseux et d'usines puantes, des conserveries, aux cheminées crachant une épaisse fumée noire, chargée de suie et de cendres. La gare est un complexe de voies et de wagon industriels, assortie de bâtiments noircis aux murs lépreux. Au centre, l'édifice de la gare lui-même se dresse, borgne, maculé de goudron, inquiétant assemblage de colonnades et de plafonds se perdant dans le smog. Des lampes à pétrole achèvent de saloper un air déjà bien cochonné. Des hommes attendent les voyageurs. Coiffés de chapeaux melons, ils sont un peu informes, comme ramollis par les sucs poisseux qui encrassent l'atmosphère et se lissent la moustache, un très vague sourire qui se voudrait accueillant et amical aux lèvres.

Les passagers descendent des wagons du convoi, il n'est pas prévu que le train reparte avant quelques heures et même si les lieux semblent peu accueillant, se dégourdir les jambes n'est jamais de trop dans ces longs, si longs voyages.

C'est alors que les hommes de mains cachés dans les ombres sortent de leurs caches et sans une once d'hésitation, attrapent les voyageurs les plus proches d'eux et d'une prise cruelle les maîtrisent et les tirent à l'écart. D'autres voyageurs sont sortis de force du train, criant et se débattant, et rejoignent les précédents prisonniers, maintenant au nombre de quinze. Les hommes moustachus et s'approchent de la foule au bord de la panique, et l'un d'entre eux, d'une voix de rogomme abîmée par l'alcool et la pollution, annonce qu'il n'y a pas à s'en faire, sérieux, tout va bien. Non vraiment tout va bien.

La foule panique. Probablement que les dents pourries du porte-parole gâche un tantinet l'effet de son sympathique sourire. Mais peut-être aussi que les quinze cercueils de planche qu'on charge dans le train aux places qu'occupaient les captifs ne font rien pour instaurer un esprit chaleureux et bon enfant. La foule panique.

Mais intéressons-nous plutôt aux prisonniers, que va-t-il leur arriver ? Sont-ils promis à une exécution sommaire ? Clairement on ne leur veut aucun bien, et dans cette ville étrange perdue quelque part au détour d'un cauchemar personne n'écoute leurs appels à l'aide. Devant eux, c'est un mur d'usines sombres qui tranchent le décor. Elles crachent dans les airs de larges quantités de fumée crasseuse, et émettent un bruit constant, un mélange de hurlements peu rassurants et de sons de machinerie lourde. À l'intérieur, c'est le carnage. Oh, rien de grave, on ne fait aucun mal aux passagers enrôlés de force, du moins pas directement.

Suspense...

Les navires noirs qui s’arrêtent dans ce port perdu déchargent leurs prises, leurs cargaisons de choses, poissons inconnus, tritons monstrueux, sirènes crevées aux dents aiguisées, acérées et aux yeux déjà morts. Puis, le prix négocié et obtenu, les sombres équipages quittent le port sans nom et les équarrisseurs des conserveries commencent leur tâche, tels des somnambules caparaçonnés de mailles, armés de terribles couteaux à poissons, si aiguisé qu'on jurerait qu'ils tranchent l'air. C'est une dangereuse tâche. Parfois, les créatures prises dans les filets ne sont pas mortes et font des trucs carrément fatals aux poissonniers, comme les déchirer en deux, remplir leur poumons d'eau, par magie. Ces choses là... Et ceci en leur infligeant un sentiment d'effroi très handicapant, et si dur à supporter qu'ils préfèrent se droguer, s'abandonner aux effets de l'alcool le plus frelaté. Pauvres poissonniers. Pauvres poissonniers ivres, ivres de mauvais vins et de terreurs atroces !

Depuis le précédent train, c'est quinze d'entre eux qui ont succombé, et dont les places sont à pourvoir. C'est une chance, de pouvoir travailler aussi près du fantastique, dans ce monde gris terne où la moindre originalité est écrasée.


Pensez-y, lorsque vous mangerez votre prochaine pizza aux filets de serpent de mer ou que vous dégusterez votre prochaine boite de triton au naturel, pensez-y...