Wednesday, April 08, 2015

Toutes ces choses qu'on ne sait pas

Tous les jours, on est confronté à des mystères, des inconnues, des choses qui nous échappent ou qui nous interloquent un tantinet. Mystères et énigmes, c'est le lot commun de nous autres, primates supérieurs, persuadés que le monde est fait pour nous, contrariés qu'il ne soit pas livré avec un mode d'emploi détaillé, une notice de chez IKEA, ou même un vague graffiti explicite et vaguement salace. Le monde, est plein de choses que nous ne savons pas...
Ce que j'imagine...
La parabole de la corneille et du cornet de frites, une étude de cas
Il est dix heures du matin, c'est un dimanche, et le soleil semble bien décidé à luire avec force et énergie. Je suis confortablement installé dans le train, et je mon regard déambule sur le décors extérieur en attendant que commence le processus mécanique qui nous déplacera rapidement vers un autre endroit. Comment un train se meut-il ? Est-il en quelque sorte animé par l'électricité qui circule dans les fils de cuivre ? Et l'électricité, comment est-ce que ce fluide mystérieux passe-t'il à travers le cuivre lui même ? Il n'y a pourtant pas de trou où laisser passer un fluide, c'est du cuivre massif. Et le café ? Est-ce qu'il circule dans les nerfs de la même manière ? Etc. etc.
Mes pensées vagabondent…
Pas très longtemps cependant. D'où je me trouve, je peux voire une corneille, ses plumes noires resplendissantes dans la lumière du soleil. Elle est juchée sur un muret, en contrebas, loin de tout passage humain. Et de son bec, manipule adroitement une demi-douzaine de frites. Tac, tac, elle les aligne méticuleusement, jusqu'à former un petit fagot de bâtons de pommes de terres cuites dans l'huile. L'oiseau pivote la tête, contemple son œuvre, regarde à gauche, regarde à droite, regarde encore à gauche, clairement méfiant, et d'un geste adroit finit par saisir dans son bec le fagot tout entier.
Que va-t-il faire ?
Va-t-il prendre son essors, et disparaître de mon regard et des lignes de ce texte ?
Non. A la place, le corbeau fait de petits sauts élégants, qui l'amènent sur un des rails, puis entre les rails, sur une traverse. L’œil en coin, il scrute le sol. Les rocs composant le ballaste semblent à son goût, maintenant il sautille semblant chercher quelque chose… Ah ! Voilà ! Un trou dans le sol, une anfractuosité, à peine différenciable du reste du ballaste ! Il il pose ses frites. C'est ses frites, clairement. Il y pose ses frites, et aussitôt sélectionne quelques bon gros cailloux, pour en recouvrir l'aliment tant convoité (certainement).
Les frites abritées du regard, l'oiseau s'envole. Le train dans lequel j'assiste à la scène s'envole aussi. Ne restent que quelques interrogations :
Quelles étaient les intentions du volatile ? Protéger sa pitance des collègues volants, ou pire de tous ces autres indésirables volatiles que sont les moineaux, les pigeons, les pinsons, les merles, les pies, les canards, les perroquets, les mésanges, les autres, tous les autres plumitifs mangeurs de frites ! (Mais admettons un instant que l'oiseau se sente impuissant face aux rats et souris qui abondent dans nos gares)
Ou alors, vu le soleil qui s'annonce insistant et la petite bise qui malgré tout souffle le froid sous nos plumes à tous, l'oiseau (qui déteste les frites froides, on peut le comprendre) cherche-t-il à rendre son repas un peu moins piteux en le réchauffant à la chaleur de la caillasse sombre, maculée de déjections ferroviaire, mais chauffée, chauffée par le soleil, on peut le voir on peut le deviner, les cailloux sombres des voies de chemin de fer de la gare de Lausanne, sont suffisamment chauds pour réchauffer quelques aliments...
Mais peut-être que justement, les rats, c'est là le problème, les rats, un gang de rats, en livrée de peau, l’œil torve, et le pauvre oiseau, qu'on admettra pour l'instant blanc comme neige, innocent comme l'agneau pascal, le pauvre oiseau se fait racketter ! Par les rats ! ET CES FRITES sont son du.
Ou alors… Non, non, je ne sais pas.
Et ces frites, où cette corneille les a-t-elle trouvées ? Une poubelle ? Un cornet de frite abandonné ? Du vol à la tire ? Un précieux butin confisqué à une bande de schpatzes piailleurs et écervelés ?
Et ceci termine ma démonstration, il y a dans le monde bien des choses que nous ignorons.