Ma première session de slam, le 9 juillet 2014, avec le texte qui suit. C'est une collection de portraits sur lesquels je travaillais pour le jeu de rôle Itras By, qu'on va bientôt sortir en français avec les complices de 2d Sans Faces...
Ça commence ici :
C'est des gens qu'on croise dans la rue, des individus, des
épreuves uniques.
On les voit, ils sont normaux, comme tout le monde, puis soudain
de nulle part, c'est un trait qui surgi, une faille ou un éclat qui
apparaît.
Ils sont alors originaux, ils n'ont pas de numéro de série, même
si parfois on peut le croire.
Ces traits, d'une habitude on peut en faire une histoire, se poser
la question de ce qui pourrait se passer peut-être, un peu plus
tard. Un conte, des mots, quelques anecdotes de cafés révisées
sous la forme d'une pincée de fictions.
Ce que j'imagine...
La peau noire
Un soir, ce sera accoudés à un bar qu'on la rencontrera, une
grande femme à la peau noire, au large front dominant de grands yeux
moqueurs, un nez aquilin et des lèvres peintes d'un rouge très vif.
Elle racontera des histoires sans queue ni tête et sera
complètement incompréhensible -- dans le meilleur des cas. Puis
elle rira, franchement, d'un rire de gorge profond. Elle semblera
s'être entichée d'un de vos amis, traitant le reste de l'assemblée
comme si elle était une grande actrice et eux des complices de
longue date. On ne pourra pas vraiment savoir qui elle est (car ce
sera incompréhensible) mais il sera possible, à travers son
discours, de se faire à l'idée qu'elle serait une descendante de la
reine de Saba
L'écarteleur
Ce sera un homme de
grande taille, élégant, au regard perçant et à la fine barbe
grise taillée avec goût. Assis dans une
brasserie bruxelloise, il se comportera avec nervosité. À sa
gauche, une pile de livres encore neufs à portée de main, et un
lourd volume de cuir noir qu'il ne laissera personne consulter, à sa
droite, un café, oublié et froid. Il sera arrivé tôt le matin du
même jour, un dimanche, après avoir passé tous les soirs de la
semaine à lire et corréler les chapitres de livres en livres.
Lorsqu'il trouvera un lien, selon des critères qu'on sera en peine
de deviner, il s'exclamera « Aha ! » et
consciencieusement découpera ou arrachera quelques pages du texte
incriminé pour les ajouter quelque part dans le grand volume de cuir
noir. « Je reçois trop de livres » dira-t-il dans un
français teinté d'allemand, « j'ai décidé de me concentrer
sur des thèmes particuliers et ne conserver que les meilleurs
passages... » Sa main caressera le lourd volume de cuir « Ici,
je réunis les meilleurs morceaux où il y a au moins un chien qui
apparaît. C'est le livre des chiens. » Une
étincelle brillera dans son regard, puis, embarrassé, il retournera
à ses... lectures. La conversation
s’arrêtera là.
Madame de X
Un salon de thé, un café, de confortables
divans et de profonds et accueillants fauteuils. On verra des tables
inoccupées, et
peut-être qu'une sera placée à coté d'une fenêtre.
Un emplacement permettant de garder un œil sur la rue. Au moment de
s'en approcher, avec l'intention visible de s'y installer, on sera
surpris d'assister à la scène suivante : Une vieille dame,
tirée à quatre épingle, visage pincé et chevelure bleutée,
surgira de nulle part, et s'empressera de s'installer à l'endroit
convoité, avant d'accueillir d'autres vulnérables
doyennes aux mises similaires. Sous nos yeux, elles sortiront un
plateau de Scrabble et commenceront une nouvelle partie. On peut
imaginer que la scène se reproduira, de tea room en cafétéria,
différentes aînées nous évinceront des fauteuils placés près
des vitres.