Je sais que c'est un texte que j'ai déjà dit plusieurs fois,
mais il semble qu'une lourde hérédité me pousse à me répèter.
Et puis je suis encore un peu jeune pour radoter, je vais en profiter
pour m'entrainer.
Vous vous souvenez peut-être de ce chevalier inexistant,
clairement inexistant en référence à un certain Italo Calvino ?
Et bien il est toujours là, il promène son spleen, sur les voies
pavées d’un monde qui n’existe pas. Ce chevalier, comme
toujours, déprime, tout seul dans son armure rouillée et cabossée.
En effet, son monde est un conte, un bobard même, et pas très
fabuleux un mensonge trouvé sur internet. C’est un chevalier, qui
balade des ambitions déçues comme on promène un vieux chien fidèle
tremblant et efflanqué, avec ménagement et pitié, et toujours à
l’esprit qu’il faudra bientôt l’achever, pauvre bête
mourante. C’est un chevalier… Enfin c’est peut-être un
chevalier, puisqu’il se promène dans un monde vide et désert,
qu’il l’aurait ainsi baptisé ? On est nous-même et aussi
le regard des autres, je suis qui je suis aussi parce que je vous
parle.
En fait non, ce n’est pas un chevalier, c’est un moulin
à vent. Un moulin à vent qui se prend pour un chevalier. Il est là,
au milieu d’une plaine aride, où souffle un vent sec et chaud, et
où personne ne passe jamais, ou plus jamais. Fier de son heaume de
tuiles rouges, ses grandes ailes tournent dans les airs, il brasse de
l’air, lui le géant solitaire il rêve d’être un chevalier pour
combattre de féroces vagabonds.
Mais, mais il ne peut pas rêver non ? C’est un moulin à
vent, et les moulins à vent, c’est des bâtiments, ça ne rêve
pas un bâtiment, c’est du mortier, de la pierre quelques poutres
d’un bois solide non ? Ça ne rêve pas…
En fait non, ce n’est pas un moulin à vent, c’est le
mistral ou un vent qui y ressemble. Un souffle d’air, un rêve
solitaire, sur un monde qui n’existe pas une idée qui se promène
dans les airs, sous un soleil ma foi carrément impitoyable, un peu
comme si on pouvait le voir et l’observer. C’est le vent. On ne
peut pas le voir alors il imagine être visible, courir les plaines
désertes et les couvrir de son ombre, lui le vent soudainement
devenu smog noir et étouffant, sous le soleil impitoyable.
Le décor s'efface sous la suie... Le monde qui n’existait pas
n’existe plus, je viens de l’étouffer sous un linceul de fumée
anthracite...
En fait non, ce n’est pas le vent, mais des mots que j’ai
écrits, d’abord à la plume puis à l’aide d’un traitement de
texte, et parce que je suis fier de ces mots je les travaille à
nouveau, et je les répète à nouveau à un public que j’espère
amuser à nouveau quelques peu... Je voulais une tragédie, peut-être
que vous vous en souvenez ? Je voulais entendre parler de mort,
de cette mort qui arrive à tout le monde, à force, et de ceux qui
restent. Quelque chose de fort, des mots qui auraient dit « On
n’enterre pas des idéaux de la même manière qu’on le ferait
avec un vieux canasson fatigué, exhalant son dernier souffle au
terme d’une vie de labeur et patati, et patata. »
Alors… Alors j’ai empoigné la plume et les mots m’ont
échappé.